Le 20 septembre 2016, j’ai pris un bus entre Turin et Udine, à l’Est de l’Italie. Voici le résumé de ce premier mois :

A Udine, j’ai passé la nuit a côté d’un SDF pakistanais, sous le préau derrière les locaux de la mairie pour m’abriter de la pluie.

J’ai bivouaqué dans le lit du T. Torre, où poussaient en grand nombre… des tomates cerises ! Les meilleures tomates que j’ai jamais dégustées, chacune avait un goût différent. Le soir, pâtes bolo a volonté.

J’ai acheté un ENORME morceau de parmesan et une râpe a fromage. Ils ont nettement amélioré la qualité gustative de mes dîners… et continuent de le faire 20 jours plus tard !

Les cartes gratuites Italiennes sont fausses. Je me suis perdu entre Cividale et Polava.

Polava est un village particulièrement réputé pour sa communauté Bouddhiste. Le Dalaï Lama y est même passé il y a quelques années ! Mais les chrétiens n’y sont pas en reste : Antonia et Pio on fait honneur à leurs valeurs en m’accueillant un soir, le temps d’un merveilleux plat de pâtes italiennes (et d’un bon verre de vin). Leur voisin, dit « El Colonel », est un italien très âgé qui parle un peu français, chez qui j’ai pu planter la tente, et qui m’a réveillé le lendemain avec un thé bien chaud.

J’ai dormi dans une petite maisonnette pour randonneurs, à cheval sur la frontière slovène.

La nature m’a nourri au delà de mes espérances : tomates, mais aussi figues, amaranthe, angélique, plantain, pissenlit, ortie, pimprenelle, trèfle, carotte sauvage, berce, criste marine, prunes, faînes, noisettes, pommes…

J’ai, pour la troisième fois de ma vie, tenté de construire un radeau pour descendre la rivière Soča. Sans plus de succès que les fois précédentes.

J’ai fait un joli dessin pour faire comprendre à des fermiers que je cherchais des chambres à air de tracteur, dans l’espoir de faire un second essai d’embarcation. Je n’ai rien trouvé, mais quel échange amusant !

Je me suis réfugié dans un abribus après que la rivière a côté de laquelle je voulais dormir ait commencé à monter de manière inexplicable.

J’ai resserré d’un trou ma ceinture.

J’ai fini par comprendre que « Dobar Dan », « Ztravo » ou « Dobran » voulaient tous dire « Bonjour ».

J’ai dormi derrière un bar a Dornberk, après avoir fait connaissance en anglais avec la serveuse, en espagnol avec un client, et en slovéno-charabia avec un vieil homme.

La bière slovène est excellente.

Je me suis fait offrir le camping à Rijeka en Croatie, après une journée de stop.

Longeant la côte, j’ai atterri à la nuit tombée dans un petit port désert au fond d’une crique isolée. Silence de mer sur une mer d’huile, ambiance irréaliste. Le temps semble s’être arrêté.

J’ai pris mon premier bain a Selce, dans une eau délicieuse.

N’essayez jamais de faire cuire des pâtes à l’eau de mer. C’est bien trop salé.

N’essayez pas non plus de prendre les chemins de randonnée croates. Sauf si vous êtes une chèvre, ou un chamois.

J’ai racheté des chaussettes pour fêter le début du mois d’octobre. Ne sous-estimez pas le pouvoir de chaussettes neuves sur le moral. Il est immense.

Au beau milieu d’un amas de rochers coupants comme des rasoirs, j’ai fait la connaissance d’un pêcheur, ancien matelot à la retraite, qui a su dire que j’étais français rien qu’après avoir entendu mon « hello, does it work ? »

J’ai cuisiné des patates sautées pour un voyageur croate, parcourant son pays en attendant de recevoir son passeport. Nous nous étions abrités de la pluie sous le même préau d’un camping fermé. Je lui ai appris à reconnaître la criste marine, plante comestible au goût rappelant la carotte et le citron, qui pousse à foison le long de la côte. En échange, il m’a traduit en croate onze phrases utiles, qui m’ont toutes servi depuis !

Sortez vous de la tête une bonne fois pour toutes que les bâches Decathlon sont étanches ! Un gros orage suffira à vous prouver le contraire.

Puisqu’on parle d’eux, je crois qu’ils utilisent du fil de couture biodégradable pour fabriquer leurs chaussures. Après seulement 15 jours d’utilisation, le mot « tongues » semblait plus approprié pour les définir. Mes propres coutures d’amateur autodidacte tiendront sûrement plus longtemps…

« Shelter », pour les croates, veut dire « refuge » et non pas « abri ». Or, les refuges, en plus d’être payants, sont évidemment fermés en octobre.

Il y a toujours plus de chemins en réalité que ce qui est indiqué sur la carte. C’est une généralité. Je me suis perdu une journée entière dans les montagnes du Velebit Nord. Arrivé dans un cul de sac, j’ai fini par faire du hors piste, pour rejoindre un hameau de maisons… à cinq kilomètres de mon point de départ, des heures plus tôt. Heureusement, un coucher de soleil à couper le souffle est venu me faire oublier tous les efforts de la journée.

Ceux qui me connaissent bien savent que je perds beaucoup de choses. Depuis mon départ, j’ai perdu deux caleçons, un t-shirt, une boussole et un chapeau. Apprenant à faire sans, je me dis que moins j’ai de choses, moins je risque d’en perdre !

Le vent d’Est a fait du toboggan sur les montagnes du Velebit. Heureusement, 20 sardines ont « suffi » a contrer ses efforts pour arracher ma tente du sol. Elles n’ont en revanche pas suffi à me faire dormir sur mes deux oreilles…

Alors que je marchais vers Krasno, il m’est apparu que l’expression « il y a » est la plus grande absurdité de la langue française. Il serait bien plus logique de dire « Il y EST ». Si quelqu’un a une explication, je suis preneur.

J’ai fini trois livres depuis que je suis parti : Pêcheurs d’Islande de Pierre Loti, L’homme qui savait la langue des serpents d’Andrus Kivirähk, et Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde. Je vous les conseille tous les trois !

Sur la route, j’ai croisé Paola, une dame super souriante qui cueillait des cynorhodons pour une « marmelada ». Nous avons discuté en croate, anglais et français car elle avait un peu étudié ces deux langues a l’école. Mais le principal moyen de communication avec elle fut le sourire !

J’ai été pris en stop par un chauffeur de bus entre Krasno et Otočać. Nous avons partagé nos goûts musicaux : lui des chants croates avec l’autoradio, moi une chanson française avec le ukulélé !

A Otočać, je suis entré un matin dans la « maison des artisanats », à côté de laquelle j’avais planté ma tente. J’y ai rencontré des tisserandes, ainsi que des employés du ministère de la culture venus les visiter. L’un des plus beaux échanges, plein de sourires. J’ai même eu le droit de m’initier au tissage sur un vieux métier !

En stop vers la Bosnie, j’ai été accueilli par Zlatko, sa femme Sonia et toute la famille sur 4 générations ! Jamais je n’avais aussi bien mangé et dormi, jamais je n’ai autant apprécié une douche chaude ! Le lendemain, ils m’ont conduit jusqu’au parc national Plitvička, avec ses lacs et ses cascades de contes de fées, en m’indiquant comment entrer sans payer !