Certains partent voyager pour fuir une vie qui ne leur convient pas. Ce n’est pas mon cas. Pour moi, c’est la réponse à un appel. Celui, insistant, du Monde :

« Viens ! Viens me découvrir ! Je suis si grand. J’ai tant à te montrer, à t’offrir. Tant à t’apprendre. Viens ! »

  On ne peut évidemment pas se défiler devant une telle invitation.

  Le Monde est quelqu’un d’extraordinairement complexe. Regardant d’un air hautain toutes nos considérations morales , il associe beauté et cruauté en un parfait équilibre. Et à ceux qui critiquent ce manque flagrant de sensibilité, il répond qu’il en a toujours été ainsi, et qu’il ne peut en être autrement. Car beauté et souffrance sont intrinsèquement liées ; pas de l’une sans l’autre, et toujours la même quantité des deux.

  L’humain, face à une situation qui lui semble cruelle, va s’en indigner. Pour peu qu’il s’agisse d’un humain remuant, il va chercher à changer cette situation. Ce changement va alors dévoiler une beauté nouvelle. Merveille ! Car les beautés nouvelles sont les plus belles des beautés. Mais elles s’accompagnent toujours d’un lot de souffrances, effets secondaires du changement, dont d’autres humains vont à leur tour s’indigner… pour commencer une nouvelle boucle. A l’inverse, les pires cruautés participent toujours, même de loin, à l’émergence de choses splendides.

Alors finalement, pourquoi vouloir changer le monde, si ce que l’on apporte est aussi beau que cruel ? Parce que ces deux aspects gagnent à changer souvent :
La souffrance qui change, nous la portons ensemble, chacun son tour, pour avoir moins mal, moins longtemps.
La beauté changeante, nous l’apprécions d’autant plus qu’elle est toujours nouvelle, et pleine de surprises.

  Voilà pourquoi changer le monde : un mal plus supportable, une beauté plus exhaltante !

  Cette digression était nécessaire, avant de revenir au sujet qui nous intéresse : le voyage. Il nous permet tout simplement de le connaître, ce monde. Vouloir changer un monde que l’on ne connaît pas, quelle prétention ! Et quelle inefficacité. Le voyage ouvre l’esprit, nous dévoile tous les aspects de problématiques qui, derrière nos écrans, nous paraissent simples et manichéennes. Le voyage nous fait voir toutes les beautés présentes, et les beautés possibles. Il nous apprend à voir différemment, de mille manières, à sourire en mille langues, à apprivoiser le Temps, à vivre mille vies en une seule.

  Le voyage grandit le Monde, et le Monde nous grandit !