Je marchais dans le Corso Casale lorsque je le vis. Longeant alors le Pô en direction du Ponte Vittorio Emanuele I, j’avais l’esprit déjà tout occupé à 9h du matin par mon sujet d’étude : « Les divinités liées à l’eau dans l’histoire et leur place dans les sociétés, de l’Antiquité à nos jours ». Je suis en master d’anthropologie archéologique.

  Il était en contrebas sur la berge, en train de se déshabiller à toute vitesse. Je vis du premier coup qu’il avait dormi ici : à côté d’un gros sac à dos et d’une carriole bleue à une roue, il y avait un tapis de sol argenté et une sorte de tente verte encore dépliée. Le duvet, il devait être dans ce sac blanc qui flottait dans le fleuve. Il s’éloignait de plus en plus de la rive. Je supposai qu’il avait dû rouler jusqu’à l’eau pendant un moment d’inattention de son propriétaire.

  Le jeune homme aux cheveux longs s’avança jusqu’au bord, hésita un instant puis enleva ses chaussettes d’où s’échappèrent deux billets de vingt euros. Il sauta alors dans le fleuve, en t-shirt et caleçon. J’avais voulu lui crier de ne pas y aller, que l’eau était trop sale, avec des algues partout et tous les égouts de l’Italie dilués à l’intérieur, mais c’était déjà trop tard, et je continuai d’observer.

  Il rattrapa bien vite le sac blanc, revint vers la rive et le jeta dans l’herbe avant de se hisser à son tour hors de l’eau, ne manquant certainement pas de se piquer aux nombreuses orties qui poussaient sur la berge. Au moment où il sortait une serviette de son sac pour se sécher, je l’entendis rire.

  Je repris alors mon chemin, un sourire aux lèvres. C’était certainement une Naïade qui lui avait joué un tour.